Bimensuel, le Café pédagogique a lieu le matin ou durant la pause méridienne et constitue pour le corps professoral d’Excelia un espace d’expression, un moment privilégié d’échanges informels sur des sujets libres. Le « Café pédago » du 9 février dernier a été en revanche sciemment thématique pour prendre en main un sujet « chaud » : ChatGPT.
ChatGPT : innovation pédagogique ou fraude potentielle ?
[TchatDjipiti]. Commençons par le prononcer à l’anglaise, ce qui est plus seyant qu’en français…
« Tout le monde en parle depuis le début de l’année ! » constatent Caroline O’Neill, responsable du pôle IDEE (innovation digitale, EdTech et expérientiel) et Thomas Petit, ingénieur pédagogique du Lab. Le bureau d’ingénierie pédagogique étant au cœur du couloir de la faculté, ces derniers ont entendu les questionnements générés par l’apparition de cet outil conversationnel créé par la start-up californienne OpenAI, capable de rédiger du texte à la demande en utilisant une Intelligence Artificielle (IA) de pointe.
Alors, outre le partage de ressources, les organisateurs du café pédagogique ont voulu combler un potentiel besoin de simplement en parler, et ils ont vu juste ! Une vingtaine de professeurs étaient présents, plus 90 en ligne, pour ce café pédagogique inter campus intitulé « ChatGPT et l’enseignement supérieur : lançons le débat », qui s’est donc déroulé en comodalité pendant une heure, un format court pour s’intégrer à l’emploi du temps des enseignants. « Vu l’intérêt témoigné, il y aura une étape 2 sur le sujet, sous forme de webinaire ou d’atelier élargi » assurent Thomas et Caroline.
Cette première « mise en bouche » a d’ores et déjà permis au corps professoral d’exprimer ses craintes quant au fait par exemple que les étudiants cèdent à la facilité de demander à ChatGPT de rédiger à leur place des écrits évalués, au risque d’appauvrir au passage leur créativité. Certes, des outils anti-plagiat existent afin de vérifier que les étudiants n’aient pas fait de « copier-coller » d’éléments trouvés sur internet pour leurs écrits. Mais pas aussi simple d’avoir la puce à l’oreille avec ChatGPT, même si des cas de fraude en fac relatent des constructions identiques de l’argumentation et des idées très similaires qui ont pu être repérées par les enseignants concernés.
« Tout dépend comment on utilise ChatGPT, tempèrent les ingénieurs pédagogiques. Nous avons tenté d’orienter la rencontre vers le potentiel de cet outil : ça existe, maintenant qu’est-ce qu’on en fait ? »
Repenser l’ingénierie pédagogique
ChatGPT a ouvert la voie, nous pouvons donc nous attendre à l’émergence d’autres outils conversationnels de ce type, ce qui met « le turbo » sur la nécessité de repenser l’ingénierie pédagogique. « Il s’agit de passer de l’évaluation des connaissances par la simple restitution à l’évaluation à des niveaux cognitifs plus élevés, en convoquant la réflexivité et l’analyse, ce qui pousse vers des processus d’apprentissage différents » analysent Caroline et Thomas. L’exemple de l’apprentissage des verbes irréguliers en anglais est parlant : « On les connaît par cœur, mais on ne sait pas les réinvestir. »
Toutefois il apparaît que l’enseignement supérieur s’est éloigné de l’évaluation type « devoir sur table » depuis un moment. On ne demande plus aux étudiants de « réciter » des connaissances apprises par cœur – celles-ci étant de toute façon à portée de main sur internet – mais d’avoir un regard critique, de croiser les concepts et la théorie avec leur expérience personnelle, de les mettre en perspective avec la réalité à travers des productions intellectuelles type rapport ou mémoire, en développant des idées originales, qui leur appartiennent. »
Alors oui, tout le monde peut gagner du temps. ChatGPT va pourquoi pas donner une base à la création, mais c’est l’enseignant qui possède l’expertise de régulation et qui porte la responsabilité de sensibiliser ses étudiants à se questionner, à ne pas manquer une opportunité d’apprendre… et à être plus intelligents que l’IA !
