A la mi-septembre la Fédération des intervenants en risques psychosociaux (FIRPS) conclut après deux ans et demi de télétravail régulier : « Les manageurs sont deux fois plus exposés à la violence verbale de leurs collègues », constate François Cochet, le président de la FIRPS. « Entre mai 2020 et mai 2021, on a eu cinq fois plus de signalements de harcèlement que sur la même période en 2018-2019, avant la crise sanitaire », ajoute Camy Puech, directeur général de Qualisocial, cabinet de conseil en prévention des risques psychosociaux. (Anne Rodier, Article du Monde 28 septembre 2022)
Télétravail : le travail hybride s'installe
Cette organisation hybride du travail –présentiel et distanciel- ainsi que la réforme du dialogue social bousculent largement la vie en entreprise et peuvent constituer un mélange explosif.
De retour au bureau, les conflits ont ressurgi, multipliés et plus complexes : les différentes causes sont identifiées par les responsables d’étude des RPS. Les nouveaux modes de travail suscitent notamment des conflits spécifiquement liés à la distance :
- La surinterprétation des propos écrits : en distanciel, un simple échange de mails peut rapidement tourner à l’incivilité. Il est plus difficile pour certains de mettre les formes,
- l’évitement (en fermant sa caméra par exemple lors des visios),
- la perte du temps de régulation (par exemple, entre les fins de réunions et le retour à son poste de travail),
- le passage de la communication informelle à l’écrit,
- la redistribution du pouvoir en fonction de la maitrise des outils informatiques ou de la personnalité des intervenants,
- la multitude des outils utilisés en même temps suscite de l’agacement,
- l’entraide rendue complexe par la distance,
- la perte de proximité dans les relations entre salariés.
Lire notre article sur Équilibre vie pro/vie perso : Un enjeu crucial pour les jeunes managers
Comment réguler les tensions ?
Par ailleurs, le manque de fluidité dans les relations interprofessionnelles durant plus de deux ans a eu des conséquences que l’on mesure aujourd’hui : les problèmes ont été balayés sous le tapis durant de longs mois, ou pire, les situations conflictuelles ont été exacerbées.
En parallèle, et quel que soit leur secteur d’activité, les DRH constatent une « évolution de la typologie des conflits » ou plutôt des tensions, une forte montée des agacements, plus difficiles à résoudre que les conflits, et la hausse des non-résolutions de problèmes. « La communication virtuelle exige une concentration au quotidien qui exacerbe les énervements et épuise tout le monde. Résultat : beaucoup de conflits restent larvés », explique M. Postel-Vinay, le DRH du groupe Crédit agricole Consumer Finance (Le Monde, article du 21 mai 2021). Il est difficile de détendre l’atmosphère à distance, en mode hybride également.
L’enjeu du sujet est à la hauteur des craintes exprimées : « Aujourd’hui, 35 % des manageurs sont inquiets à l’idée que le télétravail devienne pérenne deux ou trois jours par semaine », affirme Dominique Brard, la directrice générale de Talent Solutions, de ManpowerGroup.
Dans ce contexte, comment développer une organisation et une communication qui non seulement préservent mais aussi favorisent la qualité de relation et de travail pour chacun ?
Tout d’abord, il est important de revenir vers l’autre, favoriser le lien et l’échange. « Les règles de politesse sont d’autant plus importantes que les salariés sont privés de la communication non verbale qui, en présentiel, permet de corriger immédiatement une maladresse. «La multitude des outils, utilisés en même temps, génère elle aussi de l’agacement», ajoute Régis Mulot, DRH du groupe Ipsen » (Le Monde, article du 21 mai 2021).
Si le conflit reste normal en entreprise, nous avons vu précédemment les nouveaux défis qui sont à relever et leur ampleur. Il est donc nécessaire que les DRH et les manageurs soient formés et outillés pour la prévention et la gestion des conflits.
La responsabilité du manager n’est pas de résoudre lui-même les conflits mais de les identifier et de choisir les outils pour les dépasser. Ainsi, lorsqu’ils demeurent ou s’enlisent, la médiation entre les personnes concernées, avec un médiateur extérieur à l’entreprise, peut s’avérer une solution pérenne et efficace pour résoudre les conflits. La médiation, en permettant aux salariés de prendre part à la recherche de solutions qui seraient acceptables par eux, rend à chaque personne la responsabilité de la situation et de son bien-être dans son lieu de travail, améliore les relations, réduit l’absentéisme et limite le contentieux.
Le télétravail crée un véritable tournant dans la gestion des ressources humaines et les situations nouvelles sont autant de défis à relever : faire le point sur tous ces changements et proposer des outils pour réussir ce profond bouleversement de l'organisation du travail, quelle que soit la structure, privée ou publique.
Dans ce contexte, la médiation en entreprise a de beaux jours devant elle.