L’inclusion financière numérique : une valeur ajoutée potentielle des startups de la finance à l’ère post COVID-19
Les startups, ces jeunes entreprises évoluant majoritairement dans le domaine des nouvelles technologies, sont largement reconnues aujourd’hui pour leurs capacités de flexibilité et d’innovation.
Dans un monde où l’adaptation devient la règle face à l’accélération des changements (technologiques, économiques, environnementaux, sociétaux), les startups représentent un modèle de créativité et d’innovation dont les secteurs industriels et de services ont plus que jamais besoin pour se renouveler. Pendant la crise de la COVID-19, les startups ont d’ailleurs joué un rôle essentiel dans la fourniture de nombreuses prestations, en particulier dans les produits et services médicaux, dont la technologie vaccinale ARN messager qui a fait la course en tête dans la lutte contre la pandémie1 .
Mais la pandémie de la COVID-19 n'a pas été qu’une urgence sanitaire mondiale.
Elle est également responsable de l'arrêt de nombreuses activités économiques à travers le monde. En cela, nous devrons réfléchir à la manière dont nous pouvons reconstruire l’économie lorsque la crise sanitaire s'estompera, et que l'activité économique généralisée redeviendra possible.
Dans cette perspective, nous pensons que les organisations de la finance peuvent constituer une force positive alors que nous rebondissons sur une base à la fois sanitaire et économique. C’est en cela que les startups du secteur de la finance - les fintechs (un néologisme associant les technologies numériques à la finance), peuvent jouer un rôle dans l'atténuation des impacts économiques de la pandémie et le soutien à la reprise économique.
Les fintechs représentent en effet un excellent outil d’inclusion financière numérique.
En réduisant les besoins d'interactions physiques, les fintechs permettent d’élargir l’accès des services financiers aux entreprises et aux ménages d’ailleurs parfois exclus du système bancaire traditionnel. Comme démontré dans certaines recherches académiques (Jack et Suri 2014), les pays à plus forte inclusion financière numérique trouveront en effet plus facilement la possibilité d'assurer un accès continu et plus large aux services financiers, y compris en maintenant les flux de crédit vers les ménages et les entreprises de toutes sortes, et soutenir ainsi la consommation et donc la croissance économique.
D’ailleurs bien avant même la crise sanitaire de la COVID-19, le potentiel des fintechs dans le développement de l'inclusion financière a été au centre de discussions de certains dirigeants et décideurs mondiaux.
L'Alliance pour l'inclusion financière (AFI), un réseau mondial de décideurs en matière de politiques d’inclusion financière et de réglementation, avait défini ses principaux objectifs dans la Déclaration de Maya en 2011. Les dirigeants du G20 se sont également intéressés au phénomène lors du Sommet de Séoul en 2010, en approuvant un Plan d'action pour l'inclusion financière (Financial Inclusion Action Plan - FIAP), et en créant un Groupement mondial pour l'inclusion financière (Global Partnership for Financial Inclusion - GPFI).
En 2015, les Nations Unies ont adopté les Objectifs de Développement Durables (ODD) pour 2030, dans lesquels l'inclusion financière numérique occupe une place prépondérante.
Ainsi, dans un rapport des Nations Unis intitulé «Fintechs et développement durable - Evaluation des implications» (UN, 2016), les fintechs permettent de contribuer à accélérer le développement de services financiers inclusifs, et ainsi réaligner la finance au soutien du développement durable. En 2016, l'AFI et le GPFI ont pour leur part identifié les fintechs comme un aspect fondamental de l'inclusion financière, créant un nouveau champ d’activité en faveur de l’inclusion financière.
Enfin, en 2018, lors de leurs assemblées annuelles en Indonésie, le Fonds Monétaire Internationale (FMI) et la Banque mondiale ont lancé le Programme Bali Fintech, qui énonce les grands principes pour un développement sécurisé des fintechs, y compris le soutien à l'inclusion financière.
La pandémie de la COVID-19 a mis en lumière la nécessité d'accélérer les progrès en matière d'inclusion financière numérique.
D’ailleurs, bien que le passé ne puisse prédire les impacts réels de la situation sanitaire actuelle, l’exemple de l'épidémie du SRAS en 2003 en Chine a d’ores et déjà démontré une accélération des paiements numériques et du commerce électronique (Forum économique mondial2 ).
Cette observation corrobore les résultats d’une recherche académique récente montrant que la propagation de la COVID-19 a permis une augmentation statistiquement significative de l'adoption des fintechs grâce aux téléchargements d'applications via la téléphonie mobile (Fu et Mishra 20203 ). Il semble alors possible d’augurer qu’une plus grande inclusion financière numérique pourrait se développer à travers le monde après la crise de la COVID-19.
Cependant, les niveaux de développement pourraient être différents.
Cette différence pouvant découler d'un accès inégal à l'infrastructure numérique et des contraintes liées à la littératie financière et numérique.
- D’une part, le développement d'infrastructures numériques consomme des ressources et du temps, ce qui pourrait rendre moins rapide le développement dans certains pays étant donné la priorité susceptible d’être accordée aux dépenses de santé et de soutien à l’économie de manière plus générale. Dans les pays ayant un niveau de développement numérique élevé et d’un accès aux services financiers numériques déjà en place, il sera probablement plus facile d'accélérer le mouvement à la fois en raison de la demande potentiellement plus élevée4 , et des mesures de soutien connexes pouvant être mises en œuvre par les autorités.
- D’autre part, l’absence de culture financière ou la non-familiarité avec les nouvelles technologies ont souvent été mentionnées comme une limite à l’inclusion financière numérique. Les autorités gouvernementales devront alors prendre des mesures pour y remédier. De nombreuses fintechs proposent par ailleurs des tutoriels sur leurs sites Internet afin de permettre l'apprentissage des concepts de base.
Enfin, les établissements d’enseignement supérieur devraient proposer davantage de programmes de formation au numérique. La pénurie d'expertises pourrait en effet se faire sentir. Les talents dans de nombreux domaines (Cybersécurité, Intelligence Artificielle, Codage, Blockchain, etc.) pourraient faire défaut à l’ère post Covid-19. D’autant que les technologies évoluent très vite, au point que de nos jours, certains maux que nous vivons sont liés beaucoup plus au retard de l’organisation des hommes autour des technologies, que des technologies elles-mêmes. De manière plus générale, la crise de la COVID-19 semble avoir accentué une transition vers le développement des services numériques. Elle semble avoir exhorté les organisations de toute sorte à repenser leurs modèles économiques traditionnels et à s'appuyer davantage sur les technologies numériques.
1/ La startup allemande BioNTech a réussi à créer un vaccin contre la Covid-19 en dix mois seulement sur la base de cette technologie
2/ https://www.weforum.org/agenda/2020/05/digital-payments-cash-and-COVID-19-pandemics/
3/ On estime également que le téléchargement des APIs financières sur les smartphones a augmenté de 24 % en moyenne dans 74 pays depuis le début de la crise sanitaire par rapport aux tendances antérieures.
4/ Il pourrait y avoir une accélération de la demande de paiements électroniques et sans contact parallèlement au développement du commerce en ligne.
Principales sources :
-AFI (Alliance for Financial Inclusion) (2018). « Fintech for Financial Inclusion: A Framework for Digital Financial Transformation ». (https://www.afi-global.org/publications/2844/FinTech-for-Financial-Inclusion-A-Framework-for-DigitalFinancial-Transformation).
-FMI (Fonds monétaire international) (2018). The Bali Fintech Agenda. IMF Policy Paper, Washington, DC. -Fu J. et Mishra M. (2020). The Global Impact of COVID-19 on Fintech Adoption. Swiss Finance Institute Research Paper, n° 20–38, Zürich.
-Jack W. et Suri T. (2014). « Risk Sharing and Transactions Costs: Evidence from Kenya’s Mobile Money Revolution ». American Economic Review, 104 (1), 183–223.
-UN (United Nations Environment Programme) (2016). FinTech and Sustainable Development—Assessing the Implications. (http://unepinquiry.org/wp-content/uploads/2016/12/FinTech_and _Sustainable_Development_Assessing_the_Implications.pdf.)