Si une personne peut avoir une influence sur d’autres,
alors un professeur peut assurément influencer un étudiant en lui ouvrant le champ de nouvelles perspectives afin qu’il ait le choix de l’orientation de sa vie. C’est une expérience que j’ai personnellement vécue. Je me souviens encore des moments précis où un professeur m'a apporté un enseignement précieux qui me guide toujours.
C’est la raison pour laquelle je crois profondément que l’enseignement constitue l’une des actions les plus essentielles et les plus gratifiantes que les êtres humains partagent, car transmettre et accueillir les connaissances et l’expérience d'une autre personne aide à grandir d’un point de vue personnel, intellectuel et professionnel.
Après une carrière professionnelle riche d’expériences internationales dans divers pays,
je suis devenu intervenant occasionnel pour plusieurs écoles de commerce en France. Mais je suis aussi musicien de jazz, ce qui m’a permis de dresser des parallèles et de mieux comprendre ce qui lie l’enseignement, les soft skills et le jazz.
Le genre musical du jazz, tel qu’il est aujourd’hui, n’est pas totalement attaché à une démarche structurée pour réaliser un objectif, du fait qu’il se base sur l’improvisation et l’interprétation libre. De même dans la salle de classe, vous pouvez imprimer un rythme pédagogique intéressant et insuffler une dynamique d’enseignement-apprentissage, comme dans un concert de jazz.
Selon Nicholas Carr1 ,
auteur de l’ouvrage « Internet rend-il bête ? », l’influence quotidienne d'Internet nous transforme en penseurs superficiels, et altère notre créativité et les processus de consolidation de notre mémoire. Il établit l'attention comme pierre angulaire de nos capacités d'apprentissage. Si nous perdons le contrôle de notre attention, nous décrochons sans avoir terminé ce processus de consolidation, pour au final tout bonnement ne pas retenir la leçon, car nous n'aurons pas eu le temps ni l'occasion de la fixer dans notre cerveau. En tant que professeur, j’observe très clairement que parfois, les étudiants ont besoin de se déconnecter pour mieux se reconnecter, et d’apprendre comment consolider leurs capacités d'apprentissage, sans perturbateurs qui pourraient entraver leur processus métacognitif.
Dans le livre « Creating Innovators: The Making of Young People Who Will Change the World »,
Tony Wagner2 qui est le fondateur du groupe Change Leadership de Harvard, évoque les techniques de survie des étudiants et affirme que « le monde ne se préoccupe plus de ce que vous savez... Il se préoccupe de ce que vous pouvez faire avec ce que vous savez », ce qui fait totalement écho aux écrits de Thomas L. Friedman3 dans « La terre est plate, comprendre la mondialisation » : « Dans le monde plat, l’une des meilleures techniques de survie, peut-être même la plus importante pour un étudiant, est la capacité d'apprendre comment apprendre, parce que ce que nous savons se périme bien plus rapidement aujourd’hui. Donc l’enjeu n’est pas tant ce que vous apprenez, mais votre capacité à apprendre comment apprendre. »
Cette recherche constante d’attention de mes étudiants pour mes cours m’a poussé à concevoir mes objectifs d'apprentissage d'après la taxonomie d'apprentissage en prisme de Benjamin Bloom.
Il s'agit d’un cadre comportant des niveaux de compréhension dans lesquels le gain cognitif des étudiants augmente non pas comme l’illustre la représentation de la pyramide4 , initialement conçue en 1956, mais selon un prisme5 , d'après la révision de 2001, qui attribue une plus grande importance aux verbes « créer », créer quelque chose de nouveau à partir des connaissances, « évaluer », avoir un avis sur une information, et enfin « analyser », examiner une information transmise d’un professeur à un étudiant sous l’angle de la « compréhension » et de la « mise en œuvre » de cette information, au lieu de juste « retenir », ce qui revient à une simple action de mémorisation.
Pour relier tous ces verbes d'action au sein d’une leçon porteuse de sens,
j’essaie de proposer des activités d'apprentissage actives qui font appel au développement des soft skills, et qui permettent aux étudiants « de ressentir la cadence » de leur propre processus d'apprentissage.
Pour illustrer ce point, et aider les étudiants à construire leur employabilité,
je dresse un parallèle entre la salle de classe et un concert de jazz, où le programme d’étude représente la partition qui vous permet de garder le rythme, où les apprentissages sont les diverses mélodies, où les activités d'apprentissage actives correspondent aux instruments joués, où les évaluations continues font office de solos, où les softs skills sont les « sentiments » avec lesquels la mélodie est interprétée, et enfin, où l’improvisation, ce qui donne tout son sens à un cours, incarne le swing de l’interprétation et les idées cool et jazzy que vous pouvez appliquer en tant que Professeur, ce qui exalte le cours et maintient le bon tempo... Comme le chante si bien Ella Fitzgerald avec Duke Ellington dans ce classique incontournable « It Don’t Mean A Thing (If it Ain’t Got That Swing) » 6 .
1 http://www.nicholascarr.com/
2 https://www.tonywagner.com/creating-innovators
3 https://cirs.qatar.georgetown.edu/event/thomas-l-friedman-lectures-world-flat-30/
4 https://cft.vanderbilt.edu/guides-sub-pages/blooms-taxonomy/
5 https://bokcenter.harvard.edu/taxonomies-learning
6 https://www.youtube.com/watch?v=myRc-3oF1d0