Tel aurait pu être le titre de cette journée.
Vendredi 24 mai dernier, nous avons été une vingtaine d’enseignants à assister à une journée de formation dans le cadre du plan de développement des compétences mis en œuvre pour les enseignants d’Excelia. Après une journée dédiée à la scénarisation pédagogique et une autre à l’évaluation des acquis, cette troisième journée portait sur l’apport des neurosciences comme éclairage et instrument de compréhension des mécanismes d’apprentissage.
Comment tu t’amuses avec ton cerveau ? Tel aurait pu être le titre de cette journée.
Quelques mots tout d’abord sur le conférencier, Gaëll MAINGUY. Ce dernier est neurobiologiste, chercheur depuis plusieurs années au C.R.I. (Centre de Recherche Interdisciplinaire rattaché à l’Université de Paris) où il occupe aujourd’hui les fonctions de directeur international et du développement.
Impossible de résumer cette journée, tant les échanges furent denses, dynamiques, en réponse aux apports scientifiques que Gaëll MAINGUY nous divulguait, eux-mêmes enrichissant les débats. Non, vraiment impossible. Aussi vais-je plutôt vous faire part de ce qui en furent, pour moi, les temps forts et en quoi cela contribue au questionnement sur notre modèle pédagogique, dans le cadre de notre futur plan stratégique 2020-2025.
Les progrès des neurosciences nous amènent à mieux comprendre les mécanismes d’apprentissage et le fonctionnement du cerveau.
Saviez-vous que le noyau humain contient 2 giga octets d’information et permet à un être humain de se développer ?
Incroyable. Avec 100 milliards de neurones qui constituent le cerveau, 10 000 synapses potentiellement connectées par neurone. Voilà une échelle de grandeur telle qu’on ne peut se la représenter.
Oui, incroyable. Notre cerveau se construit avec des représentations, avec ce à quoi il est exposé. Plus il est stimulé, mieux il se développe. Les neurosciences ont permis de comprendre le fonctionnement des neurones, et du traitement de l’information via les synapses qui y sont connectées.
Et la mémoire ? Et bien la mémoire n’est plus ni moins que la création d’un réseau neuronal, elle est à la fois associative et contextuelle. C’est par des activités stimulantes que l’on développe la capacité d’apprendre à apprendre.
Il faut également savoir que le sport ou la méditation sont des activités essentielles à un bon apprentissage, comme la musique. Selon Hebb, tout ce qui n’est pas utilisé à partir d’un certain âge (10 ans environ) est perdu. Mais différents exemples remettent en cause le caractère catégorique de cette affirmation … et tant mieux.
En effet, si c’est bien pendant la période critique que se construisent les réseaux de neurones, la plasticité pour autant ne se ferme jamais complètement et peut parfois se rouvrir. Un exemple relié à notre rôle en tant qu’école est celui du droit à l’erreur, à l’échec, qui favorise le développement des capacités d’apprentissage et de résilience essentielles à notre bon fonctionnement intellectuel et psychique.
Comment alors peut-on au mieux accompagner nos étudiants dans ce droit primordial à l’erreur ?
Un autre point majeur de cette journée fut celui consacré au stress.
Le débat stress positif vs stress négatif n’existe pas vraiment, une fois que l’on connait les mécanismes du stress et ses effets : le stress ne peut être que négatif. Il est négatif sur les apprentissages, négatif sur la santé mentale et physique dans sa globalité.
Ainsi, un stress chronique signifie que le système neuronal s’est emballé : les synapses se défont, la mémoire défaille, le comportement devient erratique. Il convient alors de distinguer le stress, caractérisé par la production de cortisol, du « flow », forme d’état de plénitude, où la concentration permet de se dépasser et qui est caractérisé par d’autres neurotransmetteurs tel que la dopamine.
Les exemples de flow sont associés au dépassement et au plaisir et pourraient être ceux de sportifs de haut niveau avant une compétition, d’un artiste avant d’entrer en scène, d’un étudiant bien préparé devant son sujet d’examen, d’un professionnel engagé sur un dossier pendant des heures et des heures et hyper productif.
C’est donc bien cet état de « flow » qu’il convient de développer. Sensibiliser les étudiants à leur gestion du stress et leur donner les moyens de le limiter, voire de s’en défaire, est là aussi un élément essentiel à toute pédagogie performante.
Un troisième thème est celui de la récompense, circuit fondamental de l’apprentissage.
C’est le cœur de l’activité mentale, qui oriente nos comportements. Cependant, ce système de récompense peut parfois être « hacké » par des substances chimiques, telles les drogues qui provoquent des addictions. Pour autant, la logique sociale joue un rôle fondamental dans la prédisposition à résister ou pas aux formes d’addiction (drogue, numérique …).
Il nous faut aussi intégrer que les drogues agissent sur le cortex frontal, lequel n’est mature que vers l’âge de 30 ans. Dans le cadre de l’apprentissage, il convient donc d’intégrer cette donnée : le plaisir d’apprendre prend donc ici toute sa dimension. La valorisation des apprenants dans toute leur diversité est donc un enjeu de taille.
Nos étudiants sont en effet en pleine construction, ces éléments physiologiques sont donc aussi à intégrer dans notre relation de pédagogues avec eux.
Alors quoi ? Comment tu t’amuses avec ton cerveau ? Comment tu le sollicites ? Comment tu apprends ? Comment l’utiliser te procure du plaisir ?
Autant de questions qui peuvent nous permettre de questionner nos enfants, nos étudiants. Autant de pratiques à renforcer, à questionner, à développer.
Comment accompagner les apprenants sur leur chemin propre, à la façon d’Aristote ? Comment être maïeuticien.ne ? Comment organiser cela dans notre pratique pédagogique ?
Des pistes apparaissent, d’ailleurs testées avec succès au CRI. Ces dernières s’appuient à la fois sur l’organisation pédagogique au niveau d’un programme et sur la façon d’enseigner au niveau des professeurs. Une idée force peut être de faire appel à la communauté de pairs.
Cela permet à l’étudiant de s’approprier les concepts en échangeant avec d’autres étudiants de sa promotion sur des concepts du cours afin de se les approprier. Il s’agit alors de diffuser plus largement le système de monitorat qui existe à l’Ecole depuis plusieurs années.
Ensuite l’enseignant va intervenir en salle de cours auprès des étudiants pour traiter les éventuels problèmes d’incompréhension, les débloquer, et ouvrir de nouvelles pistes de réflexion.
Les horizons s’ouvrent, en France, à l’étranger. À nous de définir les nôtres. « Il faut apprendre, non pas pour l'amour de la connaissance, mais pour se défendre contre le mépris dans lequel le monde tient les ignorants. » Charlie Chaplin